Prends tes pieds

samedi 28 janvier 2012

Au pays des chromes et aciers

Le rythme de cette berceuse a déjà saisi nombres de passagers, et les voilà, abandonnés aux cieux, voyageurs d'un autre monde. D'autres sont étendus, observent l'horizon ou partagent un instant autour de ce fidèle breuvage, le maté. Nous avons quitté Buenos Aires, et avons pris notre élan de Retiro, gare et gardienne de quelques locomotives et voitures. Sous sa charpente, vaste étendue d'aciers et de pierres, nous nous sommes avancés, jusqu'à percevoir l'animal. Crachant fumées, il était apprêté et ne semblait qu'attendre le coup de sifflet pour s'élancer. Ces façades blanches et azures ne laissaient rien transparaître de son intérieur. Dans l'inconnu, nous franchîmes portes et paliers, saluions une dernière fois nos amies et découvrîmes le caractère de cette voiture. Cinq, six passagers étaient installés, et, à moins de dix minutes du départ, cela laissait présager de tranquillité et repos. Aciers, chromes et teintes de bleus, de l'azur au marin allaient être nos compagnons pour nos douze prochaines heures. Les V15 et V16 nous ouvrîmes leurs bras, dans lesquels nous trouvions un confort tant apprécié, si agréable au voyageur qui s'en va, vers d'autres contrées. Puis, la locomotive démarra, entraînant avec elle l'un et l'autre de ces deux uniques wagons, elle quitta la gare où, nous laissions amies, amitiés et histoires. Le train s'élança, mais jamais ne sembla vraiment démarrer, doucement, il se mit à traverser la cité, franchissant les artères du centre, oscillant entre autopistas, centres commerciaux, favelas et banlieues flambant neuves, avant de caresser le fer sur les étendues plus lointaine.
Et, tandis que le soleil s'abattait sur le monde extérieur, notre carrosse se parait de ses boucliers d'aciers, et assurait ainsi fraîcheur et ombre à ses fidèles passagers. Plus tard, arbres et buissons venaient flirter avec le plexiglas déjà bien usé des fenêtres du wagonnet. Nous avancions, entre ces étendues de verdures, ces ruisseaux et ces villes, qui tous, se dévoilaient, au rythme de ce trop, dont un bon destrier aurait sans doute pu se jouer.
Vint le crépuscule, sa lumière orangée qui emplit la voiture de cette lumière que l'on aime à savourer, embourbés, au fond de son siège, scotchés, face à l'horizon. S'en suit un éclairage clinique qui pris d'assaut le timide wagonnet, 21h sonna, Rosario ne pointait toujours pas à l'horizon, et on nous annonçait un retard d'environ deux heures. Soudain des bruits de projectiles se sont faits entendre. Tranquillement, le contrôleur est arrivé, nous a prévenu que nous traversions une zone de turbulences, et nous demanda de prendre soin de bien abaisser nos rideaux de fer. Ceux -ci étaient donc destinés à nous protéger des jets de pierre qui faisaient rage de l'autre côté de la voie. L'univers bascula, nous nous retrouvions au milieu d'un monde de fers et d'aciers, capables de s’ausculter à la blancheur de cette lumière qui nous éblouissait.

On resta assis, à patienter, à se regarder, et à se dire, qu'ils avaient bien raison, qui qu'ils soient, à nous rappeler qu'ils vivaient là, non loin du centre...


Jihèf


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